quarta-feira, 4 de junho de 2008

Candide ou la antithèse Voltairienne

« Sous la trame d´un conte traditionnel, tissu d´aventures en apparence incohérentes on aperçoit donc dans Candide l´ébauche d´un roman suivi où ces aventures contribuent à l´édification d´une personnalité. Dans une succession d´expériences absurdes (…) le jeune Westphalien s´y révèle peu à peu lui-même. Sur le plan des idées comme sur celui de la technique, le côté satirique et pamphlétaire de Candide n´est que le masque d´une recherche authentique où l´homme, liquidant illusions et chimères, parvient tant bien que mal á se réinventer.»

Jacques Van Den Heuvel

Depuis l´apparition du roman comme genre autonome, les écrivains cherchent à instruire et apprendre leurs lecteurs par le biais de leurs œuvres. Cet intérêt et cette volonté plutôt didactique s´affirme avec grande force au siècle des Lumières. À cette époque la diffusion du savoir était essentielle . La parution de L´Encyclopédie est l´exemple le plus important de ce fait. Pour bien transmettre leurs idées certains intellectuelles préfèrent utiliser des personnages et des situations fictives, voire la fiction.
Nous savons que le mouvement des Lumières vise à chercher une (la) raison pour chasser les injustices et la bêtise. Cette entreprise était d´abord bien promulguée par la publication de la production écrite des philosophes. Alors, quoi de plus assertif et adéquat pour rester fidèle a ces principes que la forme narrative ?
Voltaire va utiliser cette forme jusqu´à l´exhaustion : Candide peut être envisagé comme un cas très particulier d´un conte philosophique.
Nous verrons, dans une première partie, que Candide s´éloigne bien vite des formules du conte traditionnel et que la structure fictionnelle que Voltaire écrit a un sens très personnel.
Ensuite on verra comme la fiction en général et le roman en particulier permettent de toucher un public plus vaste en lui exposant idées et information sous une forme directe.
Dans un dernier temps, nous examinerons, dans Candide, les particularités de la philosophie des Lumières et de la Quête de l´Homme pour soi-même en se réinventant en permanence.

Candide ou la antithèse Voltairienne

Candide débute par une formule traditionnelle : «il y avait ». Candide est un conte fort amusant quoique très simple et peu varié. Aussi, on peut considérer que Candide est un vrai roman picaresque et digeste avec une folie de diligence cahotant à toute vitesse dont les passagers sont brinquebalés .
Pour bien achever cette illusion du conte traditionnel Voltaire nous donne un héros pourvu de toutes les qualités, avec un caractère fort, un sens moral et un grand courage. La fin heureuse avec toute la troupe, un trompe d´œil, un peut comme si les morts et les angoisses n´existaient jamais dans l´histoire.
Mais cette belle toile cache des renversements qui ne sont qu´une parodie inondé des interventions indirectes comme des flèches ironiques et qui mettent encore là- dessus une apparente innocence. Voltaire fait une reproduction fidèle des procédés romanesques : le héros est moqué, reçoit la fessée, on lui verse des immondices ; les personnages sont abîmés par la vie et le récit achève a parcourir tout le monde et, il existe, en effet, une présence d´un monde réel mêlée à la fantaisie.
Les expressions de Candide « Ce qu´ils vivent…….ce qui leur arriva… » sont des formules empruntées aux récits romanesques. Et on en rit, ce qui prouve toutes les caractéristiques picaresques romancières.
Le schéma narratif du conte se retrouve toujours pour aller de la simple soumission de Candide à son affirmation réelle. Le grotesque, l´ invraisemblance et le rôle miraculeux du hasard, font un enchaînement rigolard de causes et des effets. Plus, Voltaire s´efforce à prouver la cohérence des événements plus on se rend compte de l´absence d´un lien logique entre eux.
Les voyages sont plutôt des leçons qui conduisent à l´universalité du message : le personnages se transportent entre continents, entre religions et catégories sociales. Elles font découvrir de nouveaux horizons et ouvrent de nouvelles perspectives.
Aussi l´imitation systématique d´un procédé de double utilisation de traits est bien caractéristique du procès romanesque.
Le sens vient de l´apparente absence de sens : un sens littéraire avec une dimension mythique pendant que Candide parcourt le monde et que peu à peu il devient l´image du destin de l´Humanité.
La parenthèse de l´Eldorado au milieu du texte, résonne comme l´instant où l´optimisme de Candide sera presque en repos. Cet espace est utopique mais chez lui, surtout après l´Eldorado l´optimisme est mort. Voltaire nous instruit en rappelant qu´un tel monde n´existe et n´existera jamais et que le bonheur est toujours le fruit du travail et non du rêve.
Un petit mot sur la relation parfois ambiguë entre l´œuvre de Voltaire et sa vie. Le chemin et les mésaventures de Candide flottent au saveur des épisodes de sa vie ; cette dimension autobiographique est bien présente chez les récits de Voltaire.
La symbolique présente dans Candide est très facile : les noms des personnages annoncent leur caractère ( ex : Pangloss > tout dans les mots, Candide > apprenti philosophe auquel le lecteur est convié à s´ identifier). Le discours, la discussion et les idées tiennent plus de place que l´action . Les systèmes philosophiques sont mêmes incarnés par des personnages.
( Pangloss pour l´optimisme et Martin pour le pessimisme ). Voltaire fait entendre sa voix e ses idées à travers des personnages simples et très proches du peuple, auxquels chacun peut facilement s´identifier.
La fiction en général et le roman en particulier permettent, tout d´abord, vulgariser une doctrine, une philosophie ou bien une idée pour entraîner l´adhésion d´un grand nombre de personnes. Susciter le plaisir ou bien dépayser le lecteur était une façon de bien transmettre les idées de l´écrivain.
Premièrement, le lecteur est bien placé dans l´intrigue et désire connaître le dénouement en allant jusqu´au bout pour savoir : le héros va-t-il parvenir à retrouver Cunégonde et à l´épouser ? Cette mise en scène finale est une assurance pour l´auteur que son message sera totalement transmis tout opposé aux autres formes d´expressions qui découragent les lecteurs.
De même, la structure des récits est simple permettant retenir l´attention et captiver le lecteur.
L´écrivain provoque l´amusement du lecteur par le recours à l´humour et à l´ironie, voire la parodie. Le lecteur rit et en riant le message et la critique achèvent son but. La complicité entre l´écrivain et le lecteur est aussi obtenue.
L´ explication d´ arguments abstraits par des exemples concrets confère une valeur de preuve vis-à-vis du lecteur. Ainsi l´épisode du nègre mutilé de Surinam est la description de la réalité brutale de l´esclavage.
Le regard naïf et étonné de Candide suscite la compassion et l´émotion du lecteur et comme tel la réalité de l´esclavage est dénoncé.
L´utilisation de la fiction et de le roman est donc une stratégie bien efficace pour transmettre leçons et idées, car elles perment aux lecteurs le divertissement et au même temps la compréhension des idées de l´auteur.
Candide nous présente une vision très sombre du monde et à la fois nous pousse vers un examen pour en déterminer une solution : toutes les grandes misères de l´homme sont passés en revue ; tous les pays de la terre, l´Ancien et le Nouveau Mondes sont visités par l´héros mais nulle part l´homme est heureux. Exception faite pour l´Eldorado mais aussi ici tout le monde se plaint……et voilà l´optimisme ruiné et toutes les misères humaines nous passent sous les yeux. Mais cependant le pessimiste ne gagne pas terrain et une conclusion modéré est en train d´être bâtie. Des indices de bonté et bonheur écartent la mort et préparent la conclusion : il faut que les hommes s´entendent pour bien travailler en commun dans la société et ainsi s´améliorent peu à peu. Or comme dit Candide il faut cultiver notre jardin !
Candide démolit la construction leibnizienne par l´obsession d´un style. Optimisme et pessimisme sont éprouvés non comme idées mais comme modes contrastés d´existence.
Voltaire renverse le monde défendue par Leibniz et tous les dogmatismes providentiels : Candide est la antithèse Voltairienne.
Voltaire raisonne en contant. Il aime ridiculiser les hommes et les idées qui sont à l´origine de la souffrance. Par le biais du ridicule il dénonce la cause de la souffrance et de l´abus. Il démontre par l´absurde et par la tolérance de l´Humanité en faisant rire de l´ inhumanité et de l´intolérance.
Le monde de Candide est un monde où l´ont vit. Au plus fort des désastres l´univers fournit à Candide une solution pour éviter la mort.
Ainsi et comme conclusion, on peut affirmer qu´il est très difficile d´ envisager Candide comme un conte. L´importance de la parole et la dissertation masquée nous emporte vers l´adjectif « philosophique ». Voltaire prend soin d´écrire un texte trépidant et drôle où l´excès défend le refus des idées innées et les avantages de la méthode expérimentale.
Ainsi à travers ses Contes Philosophiques, Voltaire raille les aventures romanesques qui entraînent ses héros dans des voyages, hasards et sentiments conventionnels. L´inconsistance psychologique des personnages, la narration entrecoupée font de Candide la dérision du roman romanesque.Ce type de récit remplit à la perfection le rôle de la littérature : instruire et apprendre au même temps du vrai plaisir de la lecture.
Voltaire doit à Candide part de sa notoriété posthume. Avec Candide un autre homme se dresse et se transforme dans l´antithèse de Voltaire. Ce livre est devenu un classique ayant supplanté tout le reste de son œuvre.
Voltaire revient à son idéal par le biais de la poésie : « Je ne puis souffrir cette rage de tout détruire sans rien édifier ».

Bibliographie:

LEVRAULT, LÉON (1934) : “Le Roman, des origines à nos jours”. Paris .Mellottée
Éditeur.

DIDIER,BÉATRICE (2003) : “Histoire de la littérature française du XVIII siècle”. Rennes. Presses Universitaires de Rennes

BARGUILLET,FRANÇOISE;(1981):”Le roman au XVIII siècle”, Paris, Presses Universitaires de France

POMEAU, RENÉ (1995) : “ La religion de Voltaire » . Paris. Librairie A.G. Nizet

POMEAU, RENÉ (1991) : « L`Europe des Lumières» . Paris. Pluriel

S/A (1954): « Les philosophes du XVIII siècle», Paris, Librairie Aristide Quillet

DANTZIG, CHARLES (2005): ”Dictionnaire égoïste de la littérature”, Paris, Bernard Grasset